30 déc. 2020

Du paradigme service féminin/compensation masculine

Le paradigme service féminin/compensation masculine correspond à un échange social inégal - échange que j'ai proposé d'appeler "prostitutionnel" afin de rendre plus explicites les bases matérielles concrètes des conventions hétérosexuelles. Qu'elles soient plubliquement consacrées par la cérémonie du mariage ou clandestinement négociées dans l'industrie du sexe, les relations hétérosexuelles sont socialement et psychologiquement façonnées par le postulat du droit des hommes au travail des femmes. Même ceux qui dénoncent le dénigrement et les violences faites aux femmes par les hommes mettent rarement en question les prérogatives des hommes dans les domaines sexuel, domestique et reproductif.
Gail Pheterson, Le prisme de la prostitution (cité dans Virginie Despentes, King Kong Théorie)

29 déc. 2020

De l'émancipation féminine

On entend aujourd'hui des hommes se lamenter de ce que l'émancipation féminine les dévirilise. Ils regrettent un état antérieur, quand leur force prenait racine dans l'oppression féminine.
Virginie Despentes, King Kong Théorie, Je t’encules ou tu m’encules ?, page 27.

De la maternité, de l'Etat et du pouvoir des hommes et des femmes

La maternité est devenue l’aspect le plus glorifié de la condition féminine. C’est aussi, en Occident, le domaine dans lequel le pouvoir de la femme s’est le plus accru. Ce qui est vrai depuis longtemps à propos des filles, cette emprise totale de la mère, l’est devenu à propos des fils. La maman sait ce qui est bon pour son enfant, on nous le répète sur tous les tons, elle porterait intrinsèquement en elle ce pouvoir stupéfiant. Réplique domestique de ce qui s’organise dans le collectif : l’Etat toujours plus surveillant sait mieux que nous ce que nous devons manger, boire, fumer, ingérer, ce que nous sommes aptes à regarder, lire, comprendre, comment nous devons nous déplacer, dépenser notre argent, nous distraire. Quand Sarkozy réclame la police dans les écoles, ou Royal, l’armée dans les quartiers, ça n’est pas une figure virile de la loi qu’ils introduisent chez les enfants, mais une prolongation du pouvoir absolu de la mère. Elle seule sait punir, encadrer, tenir les enfants en état de nourrisson prolongé. Un Etat qui se projette en mère toute-puissante est un état fascisant. Le citoyen d’une dictature revient au stade du bébé : langé, nourri et tenu au berceau par une force omniprésente, qui sait tout, qui peut tout, a tous les droits sur lui, pour son propre bien. L’individu est débarrassé de son autonomie, de sa faculté de se tromper, de se mettre en danger. C’est ce vers quoi notre société tend, possiblement parce que notre temps de grandeur est déjà loin derrière nous, nous régressons vers des stades d’organisation collectives infantilisant l’individu. Dans la tradition, les valeurs viriles sont les valeurs de l’expérimentation, de la prise de risque, de la rupture avec le foyer. Quand de toutes parts la virilité des femmes est méprisée, entravée, désignée comme néfaste, les hommes auraient tort de se réjouir ou de se sentir protégés. C’et autant leur autonomie que la nôtre qui est remise en cause. Dans une société libérale de surveillance, l’homme est un consommateur comme un autre et il n’est pas souhaitable qu’il est beaucoup plus de pouvoirs qu’une femme.
Virginie Despentes, King Kong Théorie, Je t’encules ou tu m’encules ?, pages 25/26.