Le jour tombait déjà lorsque nous arrivâmes à la maison. Maman se mit au piano ; nous, les enfants, nous apportâmes du papier, des crayons, des couleurs, et nous installâmes autour de la table ronde pour dessiner. J'avais seulement du bleu foncé ; malgré cela, j'entrepris de représenter la chasse. J'avais campé de façon très expressive un petit garçon bleu foncé monté sur un cheval bleu foncé, des chiens bleu foncé, mais je n'étais pas sûr qu'on pût dessiner un lièvre bleu foncé ; aussi courus-je vers le bureau de papa pour lui demander conseil. Il était en train de lire : à ma question : ''Y-a-t-il des lièvres bleu foncé ? '' il répondit sans lever la tête : ''Oui, mon ami, oui.'' Revenu à ma place, j'esquissai un lièvre bleu, puis je jugeais utile de le transformer en buisson. Le buisson me déplut tout autant ; j'en fis un arbre, de l'arbre une meule, de la meule un nuage, et pour finir, barbouillai tellement mon papier de peinture bleue que, de dépit, je le déchirai et allai faire un somme dans le fauteuil Voltaire.
Tolstoï, Enfance, page 62.
Tolstoï, Enfance, page 62.
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