9 mars 2011

Camus, Noces: Quand l'homme épouse la vie

Noces (n. f.)
Du latin vulgaire noptiae, forme altérée du classique nuptiae ("mariage, noces, commerce charnel, accouplement"), lui-même dérivé de nupta, participe passé féminin de nubere ("voiler"), la tradition romaine voulant que la femme prenne le voile pour se marier. → cf. dérivés nubile et nuptial. Nubes, "nuage" en latin est apparenté à cette racine indo-européenne et a donné nubilare et obnubilare ("couvrir d’un nuage, d’un voile"), puis obnubiler. Le passage de nuptiae à noptiae se fait sous l'influence de novius, "nouveau marié" en latin vulgaire (de novus, "nouveau").

Au sens de célébration d'un mariage, les noces ne se disent qu'au pluriel. La noce désigne aussi le festin, la danse et les autres réjouissances qui accompagnent le mariage. Dans cette acception, il s'employait autrefois au pluriel ("les noces de Cana"). Il désigne encore toute l'assemblée qui s'est trouvée à la noce.

Albert Camus écrit Noces en 1938. Cette œuvre contient déjà les thèmes majeurs de son œuvre : le soleil, la solitude, l’absurde destin des hommes. Quatre récits lyriques exaltant la nature, et livrant ses impressions et pensées sur la condition humaine et la recherche du bonheur.

Noces à Tipasa (petit port algérien) célèbre les noces de l’homme avec le soleil dans lequel l'homme trouve la joie de vivre. Le vent à Djémila (ruines romaines dans le désert), essai plus sombre que le précédent, reprend le thème du soleil, mais le "grand silence lourd" et le vent dominent ; le corps se dessèche, se pétrifie. L'homme épouse la pesanteur, l'arrêt.
L’été à Alger décrit la vie des habitants d’Alger ; la mer au tournant de chaque rue, le soleil pesant, la race belle. La vie s'allie à la plénitude et la beauté immédiate. Le désert relate le voyage de Camus à Florence : évocation de paysages, de peintures, coexistence de la beauté et de la mort (cf. La mort à Venise), dernières réflexions sur l’homme et le bonheur avec en guide de conclusion: Mais qu’est-ce que le bonheur sinon le simple accord entre un être et l’existence qu’il mène ?

Le soleil décline

1

Tu n’as pas longtemps à souffrir de la soif,
Ô cœur consumé!
Il passe des promesses dans l’air,
Et de lèvres inconnues le souffre m’effleure,
Voici que vient la grande fraîcheur…

À midi, comme il me brûlait, mon soleil!
Soyez les bienvenus, vous qui venez,
Ô vents soudains,
Frais esprits des après-midi!

Étrange et pur, passe l’air,
Ne cligne-t-elle pas vers moi,
La nuit,
Avec sa mine oblique de séductrice?
Sois fort, mon cœur vaillant,
Sans demander : Pourquoi? –

2

Jour de ma vie!
Le soleil décline,
Déjà s’étend tout lisse
Le flot doré.
Le roc respire sa chaleur :
N’est-ce pas que le bonheur
À midi y fit sa sieste?
En verts éclairs se joue
Le bonheur sur le gouffre noir.

Jour de ma vie!
Alors vient le soir,
Déjà presque éteint
Rougeoie ton regard,
Déjà perle de ta rosée
Le ruissellement des larmes,
Déjà court en silence sur une mer pâle
La pourpre de ton amour,
Ta dernière, tremblante félicité…

3

Sérénité, ô dorée, viens,
La plus secrète, la plus douce
Préface de la mort!
Ai-je couru trop vite sur mon chemin?
Maintenant que mes pieds sont las,
Ton regard me rejoint encore,
Ton bonheur me rejoint encore.

Autour de moi rien que jeux de vagues,
Tout le pesant d’autrefois
Sombra dans le bleu d’oubli.
Oisive flotte ma barque,
Traverse et tempête, que vous êtes oubliées!
Espoirs et désirs sont noyés,
Lisse mon âme, lisse la mer –

Ô septième solitude!
Jamais plus proche ne fut
La douce certitude,
Plus tiède le regard du soleil –
Ne luit-elle pas encore, la glace de mes cimes?
Légère et d’argent, un vrai poisson,
Ma nacelle à présent nage dans l’espace…

(Friedrich Nietzsche, Poèmes 1858-1888, Dithyrambes pour Dionysos)

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