Quelle que soit l'opinion ou la foie professée par les hommes, ce qui les distingue avant tout, c'est la présence ou l'absence, dans leur pensée et leur personne, de cet au-delà, et le sentiment d'habiter un monde achevé et épuisé en lui-même, ou bien incomplet et ouvert sur l'ailleurs. Le voyage est peut-être toujours un acheminement vers ces lointains resplendissants, rouges et violets dans le ciel du soir, au-dela de la ligne des mers et des monts, dans ces pays ou se lève le soleil qui chez nous se couche. Le pélerin avance dans le soir, chacun de ses pas le rapproche du couchant et le mène au-delà de la ligne de feu en train de s'éteindre. Le voyageur, écrit Jean-Paul, est semblable au malade, il est en équilibre entre deux mondes. Sa route est longue, même s'il ne fait que se déplacer de sa cuisine à la piece qui donne à l'ouest, et sur les vitres de laquelle l'horizon a des lueurs d'incendie, car une maison est un royaume vaste et inconnu et une vie ne suffit pas à l'odyssée entre la chambre d'enfant, la chambre à coucher, le couloir dans lequel les enfants se poursuivent, la table de la salle-à-manger sur laquelle les bouchons sautent comme les salves d'un ban d'honneur et le secrétaire avec ses quelques livres et ses quelques papiers, qui cherchent à dire le sens de ce va-et-vient entre la cuisine et l'office, entre Troie et Ithaque.
Claudio Magris, Danube, pages 117/118.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire