Deux modèles d'odyssée se présentent comme possibles à notre époque. D'une part, selon le modèle traditionnel et classique qui va d'Homère à Joyce, l'odyssée comme voyage circulaire, autrement dit comme trajet de l'individu qui part, traverse le monde et à la fin revient à Itaque, chez lui, enrichi et changé, bien sûr, par les expériences qu'il a faites en cours de route, mais confirmé dans son identité. C'est-à-dire qui parvient à une identité plus profonde, en construisant de solides et sûres frontières de sa propre personne, ni obsessivement fermées au monde ni dissoutes dans une chaotique indistinction. D'autre part, il y a l'odyssée rectiligne, celle que raconte par exemple Musil, dans laquelle l'individu ne revient pas chez lui, mais avance en ligne droite vers l'infini ou le néant, en se perdant en route et en changeant radicalement sa physionomie, en devenant un autre, en détruisant toute frontière avec sa propre identité. Musil raconte l'explosion de l'individualité et donc la rupture des charnières qui lui donnent forme et contour [...].
Claudio Magris, Utopie et désenchantement, page 80.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire