Leur existence est, j'en conviens, une exception aux lois de la nature, non seulement parce que cette fracture d'inadaptation fondamentale se produit en dehors de toute finalité génétique, mais aussi en raison de l'excessive lucidité qu'elle présupose, lucidité évidemment transcendante aux schémas perceptifs de l'existence ordinaire. Il suffit parfois de placer un autre être en face d'eux, à condition de le supposer aussi pur, aussi transparent qu'eux-mêmes, pour que cette insoutenable fracture se résolve en une aspiration lumineuse, tendue et permanente vers l'absolument inaccessible. Ainsi, alors qu'un miroir ne renvoie jour après jour que la même désespérante image, deux miroirs parallèles élaborent et construisent un réseau net et dense qui entraîne l'œil humain dans une trajectoire infinie, sans limites, infinie dans sa pureté géométrale, au-delà des souffrances et du monde.
Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Troisième partie, Chapitre 5 : Vénus et Mars, page 146.
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