On pouvait aussi s'occuper à remonter la pente telle une échelle du temps en associant mentalement les altitudes aux dates de l’Histoire. On se composait une chronologie de brocante. La fantaisie des références compensait le manque de rigueur. Si nous partions de 800 mètres, salut à Charlemagne. A 1 110 mètres, chevauchaient les chevaliers de la Table ronde. A 1 500, on avait abordé le Nouveau Monde, à 1 700 Louis XV régnait. Napoléon suivrait à 1 800, puis il y aurait l'exil d'Hugo, la Belle Epoque, la mort d'Apollinaire, le génocide arménien, l'Aéropostale, la guerre du Kippour, la libération de Palmyre. Après 2018, cela deviendrait de la science-fiction. En outre, un col arriverait finalement. Il faudrait redescendre : l'histoire des hommes n’est pas une course infinie vers le sommet. En Histoire comme en montagne, à un moment, tout le monde descend. Le refuge des Merveilles se tenait à la cote 2 110 mètres. Au-delà de Stanley Kubrick.
Sylvain Tesson, Blanc, Le quatrième jour, pages 29-30.
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