Les conseils d'amis sont souvent bons, celui-là était excellent. Après Underground (2021), Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog nous proposent une plongée dans l'histoire du punk rock alternatif français des années 80. Lire Vivre libre ou mourir, c'est partir pour un voyage dans le temps musical et social puissant, et approcher l'utopie du punk rock alternatif français des années 80, reflet d'une société en mutation, racontée à travers les destins croisés de musiciens de l'époque. L'histoire de ces groupes français - Bérurier Noir, Mano Negra, Négresses vertes, les Garçons Bouchers, est un récit choral qui met en scène des personnages clefs de la scène : Loran et François des Bérurier Noir, Didier Wampas de The Wampas, François Hadji-Lazaro (Les Garçons bouchers, Pigalle), Helno des Négresses vertes sont suivis à travers leurs aventures de l'époque, superposant le temps de l'action et celui du recul et des leçons tirées. Destins révélateurs des espérances, des illusions ou désillusions, des réussites et des échecs du mouvement.
Mais cette histoire se distingue des aventures purement musicales parce que cette scène fut aussi le précis témoin de son époque, de ses turbulences politiques et sociétales. Née avec l'élection de François Mitterand et achevée la même année que la chute du mur de Berlin, elle épouse l'histoire de la décennie, de l'arrivée de la gauche au pouvoir au tournant de la rigueur, de la cohabitation et des années Pasqua à la création des Restos du cœur, de la marche des Beurs de 1983 au score du Front National aux Européennes de 84, des attentats d'Action Directe à la mort de Malik Oussekine. Chaque événement impacte l'histoire du rock alternatif et conditionne son odyssée. Dans ce contexte, l'explosion de la popularité du groupe Bérurier Noir, l'un des puissants ressorts du mouvement, est de première importance : ses disques se vendent par dizaines de milliers, se passent sous le manteau dans les lycées et dans les collèges - c'est un véritable phénomène sociologique, emblématique des tensions et des aspirations de la jeunesse de l'époque. Groupe politisé et politisant son public, les Bérurier Noir, minés par les contradictions internes, à la pression médiatique et policière, emplissent trois soirs successifs l'Olympia en guise d'adieu : le majeur levé, la foule scande et chante "La jeunesse emmerde le Front national". Que chante aujourdéhui la jeunesse et la France ? Les législatives de juillet 2024 donne un tout autre ton. La dissolution des Bérus marque un échec, en tout cas la fin d'un rêve, au moment où la Mano Negra signe son deuxième album, marquant symboliquement le coup d'arrêt d'une certaine innocence, d'une certaine utopie, d'une certaine époque et d'une certaine jeunesse.
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