Je me rends aujourd'hui au Musée de Shanghai consacré à l'art chinois ancien. Il se trouve sur la Place du Peuple. En chemin, je rencontre une fille d'une trentaine d'années, venue passer le weekend à Shanghai. On passera la petite heure de queue à faire ensemble, à discuter. Le musée est gratuit, il est immense et les collections sont somptueuses. Différentes salles se répartissent sur trois étages des calligraphies, des peintures, de la sculpture, des céramiques, des objets en bronze et en jade, et de merveilleux sceaux. Le musée compte environ un million d'objets – une collection imposante.
L'histoire du musée en lui-même vaut la peine de s'y intéresser. Il est le produit d'un travail humain considérable et d'un destin presque tragique :
Avant 1949 et la proclamation de la République Populaire de Chine, Shanghai accueille parmi les plus grands marchés aux antiquités de l'Asie de l'Est et jouit du statut de plaque tournante dans le milieu de l'art traditionnel. A partir des années 50, le Parti Communiste Chinois met fin aux marchés et ordonne la confiscation de nombreuses œuvres. En 1952, le premier musée d'art de Shanghai ouvre toutefois sur la Nanjing Xi Lu, à l'emplacement de l'ancien Club des courses hippiques. Ma Chengyuan et Wang Qingzheng (qui deviendront respectivement directeur et vice-directeur du Musée de Shanghai plus tard) rejoignent l'équipe de ce premier musée peu après sa création. Ma Chengyuan participe à la sélection de quelque 13 000 bronzes, peintures, jades, calligraphies et meubles qui constitueront la collection originelle du musée.
En 1959, le musée déménage dans les bâtiments de la banque Zhong Hui, sur la Henan Nan Lu. La majeure partie des antiquités est emballée et stockée dans les coffres forts de la banque. Les œuvres jouissent alors d'une protection officielle jusqu'à la Révolution Culturelle de 1966-76 et l'appel de Mao à détruire toutes les reliques de la Chine prérévolutionnaire. Pour protéger la collection des Gardes Rouges, Ma Chengyuan dort dans son bureau, reçoit les appels des collectionneurs apeurés, répartit le travail des employés du musée afin de protéger et répertorier les œuvres d'art. Devançant les ennuis, Monsieur Ma ordonne à son équipe de se grimer en Gardes Rouges et peint des slogans révolutionnaires sur les vitrines d'exposition pour tromper la surveillance.
Mais la résistance prend une nouvelle tournure et l'équipe du musée se scinde. La faction radicale emprisonne et torture Ma Chengyuan pendant neuf mois dans la réserve du musée, cherchant à faire avouer Ma qu'il aurait vendu des objets du musée pour son propre compte. Ce dernier ne cède pas et est envoyé en rééducation pendant cinq ans dans un camp de travail. Il ne retourne à Shanghai qu'en 1972 pour organiser une exposition d'œuvres chinoises aux États-Unis, après la venue du Président Nixon en Chine. Une partie importante de la collection du musée avait alors été cachée hors de Shanghai, dans des dépôts souterrains situés dans les montagnes du sud de l'Anhui.
Ma Chengyuan est nommé directeur du musée au début des années 1990. Il entreprend un travail de prospection, cherche à lever des fonds publics et privés (notamment auprès des riches collectionneurs de Hong-Kong) afin de reloger le musée dans un bâtiment plus approprié. En 1992, la municipalité de Shanghai alloue une parcelle au musée en plein centre de la ville, sur la Place du Peuple. La construction prend trois ans et le musée ouvre en 1996.
En 1959, le musée déménage dans les bâtiments de la banque Zhong Hui, sur la Henan Nan Lu. La majeure partie des antiquités est emballée et stockée dans les coffres forts de la banque. Les œuvres jouissent alors d'une protection officielle jusqu'à la Révolution Culturelle de 1966-76 et l'appel de Mao à détruire toutes les reliques de la Chine prérévolutionnaire. Pour protéger la collection des Gardes Rouges, Ma Chengyuan dort dans son bureau, reçoit les appels des collectionneurs apeurés, répartit le travail des employés du musée afin de protéger et répertorier les œuvres d'art. Devançant les ennuis, Monsieur Ma ordonne à son équipe de se grimer en Gardes Rouges et peint des slogans révolutionnaires sur les vitrines d'exposition pour tromper la surveillance.
Mais la résistance prend une nouvelle tournure et l'équipe du musée se scinde. La faction radicale emprisonne et torture Ma Chengyuan pendant neuf mois dans la réserve du musée, cherchant à faire avouer Ma qu'il aurait vendu des objets du musée pour son propre compte. Ce dernier ne cède pas et est envoyé en rééducation pendant cinq ans dans un camp de travail. Il ne retourne à Shanghai qu'en 1972 pour organiser une exposition d'œuvres chinoises aux États-Unis, après la venue du Président Nixon en Chine. Une partie importante de la collection du musée avait alors été cachée hors de Shanghai, dans des dépôts souterrains situés dans les montagnes du sud de l'Anhui.
Ma Chengyuan est nommé directeur du musée au début des années 1990. Il entreprend un travail de prospection, cherche à lever des fonds publics et privés (notamment auprès des riches collectionneurs de Hong-Kong) afin de reloger le musée dans un bâtiment plus approprié. En 1992, la municipalité de Shanghai alloue une parcelle au musée en plein centre de la ville, sur la Place du Peuple. La construction prend trois ans et le musée ouvre en 1996.
Le bâtiment est constitué d'une base carrée et d'un plafond rond, évoquant un ding, récipient en bronze utilisé pour des offrandes à l'époque Shang. La forme réfère à une notion philosophique chinoise du confucianisme où un ciel rond couvre la terre carrée.
Aujourd'hui, je suis venue voir l'exposition sur le travail calligraphique et pictural de Dǒng Qíchāng et la collection permanente de sceaux.
Dǒng Qíchāng (1555-1636) est un peintre, calligraphe et critique d'art de la fin de la période Ming. En tant que critique, il a une influence capitale sur une certaine idée de la peinture lettrée en Chine, opposant de manière radicale l'école du nord à l'école du sud. Son œuvre valorise l'expressivité à la ressemblance, refusant cependant tout sentimentalisme et sans tomber dans l'abstraction. Le classement qu'opère Dong Qichang ne repose pas sur l'histoire, que ce soit celle des peintres ou celle des œuvres, mais sur des critères qu'il va trouver dans l'univers des moines bouddhistes du Ier millénaire, ce qui a néanmoins permis à des générations de peintres et d'étudiants (Bada, Wang Yuanqi, Shitao, Yun Shouping, Wu Li et Gong Xian que pour les groupes et écoles artistiques comme l'école de Wu, celle de Songjiang, de Loudong, de Xi'an, de Jinling, de Wulin ou de Gushu) de se placer selon ces deux pôles entre lesquels oscille la création lettrée chinoise.
[Selon le classement de Dong Qichang]
Tout ce qui est confucéen, sérieux, descriptif et lié à la pratique du style strict (gongbi) relève de l'école du Nord ; ce qui s'apparente à l'expression personnelle, au taoïsme, à la rêverie, aux brumes, en s'appuyant sur le style libre (xieyi) se classe dans l'école du Sud.
Tout ce qui est confucéen, sérieux, descriptif et lié à la pratique du style strict (gongbi) relève de l'école du Nord ; ce qui s'apparente à l'expression personnelle, au taoïsme, à la rêverie, aux brumes, en s'appuyant sur le style libre (xieyi) se classe dans l'école du Sud.
Ce système de classement, finalement sclérosant, inclut pour une part de nombreuses incohérences et des partis pris. Au final, la grande révolution qu'aura opérée Dǒng Qíchāng, cela aurait été d'avoir donné toute son importance à la personne, dans la création comme dans l'interprétation. La grande œuvre théorique de Dong Qichang s'intitule 'Brosse et Encre' :
From the stanspoint of splendid scenery, painting cannot equal real landscape ; but from the standpoint of the sheer marvels of brush and ink, real landscape is not at all the equal painting.
Voilà l'essence de la culture picturale chinoise traditionnelle : un artiste doit explorer le potentiel de ses outils de travail, la brosse et l'encre, pour exprimer sa sensibilité personnelle et son style. Selon Dǒng Qíchāng, c'est dans cette mesure que l'expression artistique dépasserait la nature.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire