Nous consacrâmes deux jours à préparer le dernier tronçon de notre raid, vers la mer. Une question taraudait du Lac : devait-on choisir la route vers le sud à travers les Dolomites ou bien prolonger le raid vers la Slovénie ? En d'autres termes : Venise ou Trieste ? Je disais les choses plus simplement : chez Lord Byron ou chez Paul Morand ? Dans les deux cas, la côte adriatique faisait la bordure. [...]
Rémoville lisit les chroniques italiennes de Stendhal, vrai manuel du raid à ski. Non pas que Stendhal s'intéressât à l'alpinisme, mais parce qu'il diffusait un style de vie pas étranger à l'aventure. Il se résumait à trois verbes : vouloir, décider, agir. Et vite avec cela ! L'énergie était l'explication de Stendhal. Il en faisait grand cas dans sa description des sociétés. Il la cherchait chez ses amis. Il la transfusait dans l'écriture. Il préférait la sensation à l'idée. A Naples, Florence, Rome, il passait ses matinées dans les églises, l'après-midi dans les jardins, le soir au théâtre, dans l'espoir d'une alcôve pour la nuit. Les journées tombaient avec leur moisson de beautés. Comment devenir stendhalien ? Il fallait tracer son sillage entre les marques de la splendeur et les effets de la fantaisie. Glisser à la surface des choses pour les sentir profondément. Ordre du jour : tout saisir, tout aimer, se garder des théories, mépriser les idées générales, rafler les impressions particulières. [...] Si nous réussissions à transposer la micro-tactique stendhalienne au raid à ski, nous fuserions à travers la Vénétie du Nord et l'ouest de la Slovénie, comme dans les galeries d'un musée, ne cherchant rien d'autre qu'à saluer les formes inertes de la beauté.
Rémoville lisit les chroniques italiennes de Stendhal, vrai manuel du raid à ski. Non pas que Stendhal s'intéressât à l'alpinisme, mais parce qu'il diffusait un style de vie pas étranger à l'aventure. Il se résumait à trois verbes : vouloir, décider, agir. Et vite avec cela ! L'énergie était l'explication de Stendhal. Il en faisait grand cas dans sa description des sociétés. Il la cherchait chez ses amis. Il la transfusait dans l'écriture. Il préférait la sensation à l'idée. A Naples, Florence, Rome, il passait ses matinées dans les églises, l'après-midi dans les jardins, le soir au théâtre, dans l'espoir d'une alcôve pour la nuit. Les journées tombaient avec leur moisson de beautés. Comment devenir stendhalien ? Il fallait tracer son sillage entre les marques de la splendeur et les effets de la fantaisie. Glisser à la surface des choses pour les sentir profondément. Ordre du jour : tout saisir, tout aimer, se garder des théories, mépriser les idées générales, rafler les impressions particulières. [...] Si nous réussissions à transposer la micro-tactique stendhalienne au raid à ski, nous fuserions à travers la Vénétie du Nord et l'ouest de la Slovénie, comme dans les galeries d'un musée, ne cherchant rien d'autre qu'à saluer les formes inertes de la beauté.
Sylvain Tesson, Blanc, page 215-216.
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