Après 1918, en remplacement, les Etats-nations avaient découpé menu le territoire. L'Empire avait été un manteau rapiécé par un couturier sacré : l'Empereur. La nation, elle, faisait place nette et délimitait des espaces régis par le droit. A chaque col, une borne pour la frontière. [...] Demeurait un dernier principe impérial : celui de l'ozone et de la neige. Tous les ans, de la Tinée à Trieste, l'hiver refondait son règne organique. Ses sujets le rejoignaient librement. Il fallait traverser la forêt, monter encore, ouvrir la trace dans la substance et s'approcher du ciel pour rejoindre les hauts postes du silence et de l'uniformité. L'esprit du lieu influait sur la nature humaine. On se sentait léger, solide bien que vulnérable. Pour survivre, il fallait continuer. L'altitude imposant la fuite. Vertu du mouvement, il s'alimente lui-même : on trouve en avançant les forces nécessaires pour toujours avancer. Et cet impératif rendait l'esprit allègre et le corps plus tendu. On se sentait libre. C'était cela le dernier emppire : le Blanc.
Sylvain Tesson, Blanc, page 213.
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