Cette forêt diffère de la nôtre par le contraste entre le feuillage et les troncs. Celui-ci est plus sombre, ses nuances de vert évoquent le minéral plutôt que le végétal et, dans le premier règne, le jade et la tourmaline davantage encore que l'émeraude et le peridot. Au contraire, les troncs, blancs ou grisâres, se silhouettent comme des ossements sur le fond obscur du feuillage. Trop près de la paroi pour considérer l'ensemble, j'examinais surtout les détails. Des plantes plus copieuses que celles d'Europe dressent des tiges et des feuilles qui semblent découpées dans le métal, tant leur port est assuré et tant leur forme pleine de sens paraît à l'abri des épreuves du temps. Vue de dehors, cette nature est d'un autre ordre que la nôtre ; elle manifeste un degré supérieur de présence et de permanence. Comme les paysages exotique d'Henri Rousseau, ses êtres atteignent à la dignité d'objets.
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques. Chapitre : Le Nouveau Monde, page 100.
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