Le pindakaas ou beurre de cacahouètes, cette épaisse pâte à tartiner brune à base d'arachides, est un aliment de base du régime néerlandais et un passage obligatoire du petit-déjeuner et du déjeuner. On en tartine son pain grillé ou frais et on le décline en variantes salées et sucrées : surmonté d'une plaque de vrai fromage (Gouda, Beemster, Edammer, Leyden, Maasdam, Leerdam), de rondelles de concombres, relevé au sambal1, saupoudré de sucre ou de flocons de chocolat (hagelslag), accommodé de rondelles de banane2 ou tartiné de confiture.
Les Néerlandais en raffolent – un demi kilo par personne par an, et les enfants grandissent au pindakaas comme on mange de la soupe. Beaucoup ne partent en vacances qu'avec leur pot de pâte à tartiner. Ce que je trouve surprenant et intéressant dans le pindakaas, ce n'est pas tant son goût qui se révèle vite lassant – n'en a-t-on pas assez au bout de deux sachets de cacahouètes ?, mais plutôt la saturation du produit. La texture est serrée, dense. Très nutritif, l'aliment laisse peu de place gustative à autre chose au cours d'un même repas. La variante hollandaise est cependant bien meilleure que son pendant américain : aux Pays-Bas, c'est un produit typiquement salé, aux USA il est sucré. Et pourtant, c'est bien des Etats-Unis que provient le pindakaas, créé et développé en 1893 par le Dr. John Harvey Kellogg, le fameux docteur des céréales. C'est dans un autre plat exotique et très apprécié des Néerlandais que l'on retrouve le pindakaas : la sauce saté. Une sauce aux cacahouètes, à laquelle on rajoute du sambal, du soja, du sel, du sucre. Là encore une importation, d'Indonésie cette fois, qui fait désormais partie intégrante de la tradition culinaire des Pays-Bas.
Le nom de pindakaas est originaire du Suriname et traduit l'appellation du plat "pinda-dokunnu" (ou "pindadokun"). A l'époque, il s'agit d'un bloc de cacahouètes pilées, ramassées en une masse compacte qui est ensuite coupée en lamelles comme on trancherait un fromage. Une particularité linguistique : il n'y a qu'aux Pays-Bas qu'on parle effectivement de "fromage" pour designer cette pâte à tartiner, alors que dans tous les autres pays, on parle de "beurre" (beurre de cacahouètes, peanut butter, Erdnußbutter, burro di arachidi, Jordnøddesmør en danois, Jordnötssmör en suédois, etc.). En 1948, quand le produit fait son apparition sur le marché néerlandais, la dénomination "beurre" est protégée et exclusivement réservée au véritable beurre. Cette mesure permettait de contrôler le marché et d'éviter que ne soit vendue de la magarine pour du beurre. La dénomination de "fromage" (kaas) fut choisie par comparaison avec le paté de foie appelé "leverkaas" en néerlandais. Encore une appellation de pâte à tartiner dans la composition de laquelle le fromage n'entre pas.
1 Condiment d'origine indonésienne et malaisienne à base de piments très utilisé dans la cuisine néerlandaise. On en trouve un pot dans toutes les maisons.
2 Combinaison très appréciée aux États-Unis, il faut savoir que leur beurre de cacahouètes est beaucoup plus sucré que la variante néerlandaise).