5 avr. 2020

Du légendaire Syd Barrett et de la valeur du perfectionnisme

Cambridge et Oxford. Platon et Aristote. Considérez l'histoire de la critique pink-floydienne, et qu'est-ce que vous avez ? Deux grands blocs opposés. Ceux qui pensent qu'avec l'éloignement de Barrett, c'est la fin des véritables Pink Floyd, et ceux qui pensent qu'ils sont nés grâce à cet éloignement. Pour les seconds, la légende de Barrett fondée sur quelques chansons et même pas deux ans d'activité, est l'effet inversément proportionné de ce que les Pink Floyd ont fait dans les trente années qui ont suivi. Pour les premiers, c’est la vérification objective de tout ce que Barrett a fait pour les Pink Floyd. Les antibarretiens saluent 1968 comme l’année où les Pink Floyd se débarrassent enfin de leur bric-à-brac psychédélique pour s'engager dans l'expérimentalisme raffiné qui les amènera à devenir un groupe unique au monde. Naturellement, pour les barretiens, cet expérimentalisme faisait justement partie du leg de Syd… Un chapitre particulier concerne le jeu. Syd était un pitre-né, même avant de devenir fou, il ressemblait à un personnage de Lewis Carroll, son monde idéal était peuplé de gnomes, de fées et de bandes déglinguées de village : comment est-il possible, c’est ce que beaucoup se sont demandé, que sous la conduite de Roger les Pink Floyd ait pu devenir le groupe le plus sérieux et méticuleux de la scène du rock, au point que leur perfectionnisme technique est devenu proverbiale ? A ceux-là, les barretiens objectent qu'un peu moins de maniaquerie, et un peu plus de gaieté n’aurait pas nui. C'est là que s'est ouvert, au fil des années, un débat infini sur la valeur du perfectionnisme, interprété par certain comme le couronnement du génie et par d’autres comme le fruit d'une mauvaise conscience artistique.
Michele Mari, Pink Floyd en rouge, pages 94/95.