22 janv. 2015

Marseille, La Samaritaine

Dès 1840 et avec l'aide financière de Napoléon III, du banquier parisien Pereire et d'hommes d'affaires de la cité phocéenne, Marseille lance un programme de grands travaux, sans précédent dans l'histoire de la ville. Ils décident notamment de créer une très grande artère, bordée de superbes immeubles de style Haussmannien : la Rue Impériale, aujourd'hui Rue de la République. L'idée était de relier l'ancien port (le Vieux-Port) au nouveau port de commerce, tout juste ouvert à La Joliette. Les travaux sont titanesques : la colline est creusée pour ouvrir la rue, 935 maisons sont détruites, 61 rues disparaissent en totalité ou partiellement. La rue Impériale est inaugurée en 1864. De nombreux commerces viennent s'y installer.
La Samaritaine est d'abord un magasin de lingerie. À ce moment, Marseille est en pleine expansion économique. Mais au début du XXème siècle, une crise commence à frapper la France et face à ces difficultés, La Samaritaine doit fermer. Trois associés, déjà propriétaires de plusieurs cafés à Marseille, rachètent les actions et transforment le magasin en brasserie. Parmi les trois associés figure Monsieur Zutta, un immigré piémontais. Arrivé à l'age de 16 ans à Marseille pour y travailler, fuyant la misère de son pays comme beaucoup d'Italiens de sa génération, le jeune homme fait tous les métiers, même les plus durs. Il porte des sacs de farine de plus de 100 kg dans les minoteries, travaille dans les nombreuses huileries de Marseille et se fait docker sur le port. Petit à petit, il investit ses économies dans de modestes établissements à Menpenti, le quartier de la ville où sont installés les immigrés italiens. Enfin, il achète La Samaritaine.
On est en 1910 et à cette époque, Marseille est la capitale des armateurs. De très nombreuses compagnies sont créées et prospèrent autour du Vieux-Port, notamment Rue de la République : Charles Le Borgne, Paquet, CGM, Freyssinet… Ces grands noms de l'armement marseillais ont élu domicile autour de La Samaritaine et tous leurs employés fréquentent la brasserie : armateurs, capitaines, mais aussi simples employés ou marins. Le monde va, vient et se côtoie dans l'établissement. C'est la renaissance de La Samaritaine.
En 1945, les combats entre les résistants marseillais et les occupants font rage dans la ville. Le Panier, foyer de la résistance, est régulièrement bombardé depuis les hauteurs de Notre-Dame-De-La-Garde : un obus explose un jour à côté de La Samaritaine. 4 quai du Port, un incendie se déclenche et se propage et en quelques heures, la brasserie est totalement détruite. La Samaritaine sera reconstruite mais restera fermée pendant près de deux ans. Elle ne réouvrira qu'en 1948.
Pierre Zutta, le fils, prend alors la suite de son père et s'illustre dans l'action syndicale comme président des cafetiers marseillais. Aux côtés de Paul Ricard, il lutte pendant des années pour que la vente de pastis soit autorisée, interdite par le gouvernement de Pétain sous Vichy. En 1951, il obtient gain de cause ce qui fera la fortune de Paul Ricard. A la mort de Pierre Zutta en 1961, c'est son fils, Ernest, alors agé de 18 ans et étudiant en pharmacie, qui reprend l'affaire. Il sera lui aussi très actif dans l'action syndicale au sein de sa profession et organisera de nombreux événements à La Samaritaine : cafés littéraires, cafés philo, jazz, expos… la brasserie du Vieux-Port voit défiler de nombreux artistes.
Contrairement à ce que l'on pense, La Samaritaine de Marseille n'a aucun rapport avec le grand magasin parisien, même si, à l'origine, il s'agissait aussi d'une boutique de lingerie. Le nom, par contre, procède bien de la même origine. Dans le Nouveau Testament, Jean (IV, 1-30) raconte l'épisode de la rencontre de Jésus et de la Samaritaine : se reposant près d'un puits, Jésus demande à boire à la passante. La Samaritaine s'étonne qu'un Juif lui demande de l'eau car en ces temps, les Juifs méprisaient les Samaritains et ne leur adressaient pas la parole. Jésus lui répond que l'eau qu'elle puise n'étanche pas la soif, mais que l'eau vive qu'il donne devient jaillissante et que quiconque en boit n'aura plus jamais soif. À Paris existait une pompe à eau à l'emplacement même du grand magasin, tout comme à Marseille, où se trouvaient une source et une fontaine à proximité des lieux. Une particularité qui donnera son mom au magasin. En 1910, quand l'établissement est transformé en café, les nouveaux propriétaires conserveront le nom.
Les grandes compagnies de transport de Marseille ont désormais presque toutes disparues. Mais la brasserie a su conserver une tradition de melting pot. A l'image de la ville, La Samaritaine est encore un peu le mélange des nationalités et des classes sociales, et c'est aussi l'un de ses charmes.

17 janv. 2015

Jean Malaurie, Ultima Thulé (3)

Pourquoi les déserts ? Par goût de la solitude, sans doute ; mais aussi parce que l'espace dans les zones arides est (…) plus nu, plus lisible dans sa géometrie des formes.
Jean Malaurie, Ultima Thulé, page 369.

16 janv. 2015

Jean Malaurie, Ultima Thulé (2)

Mais si l'on parvient à l'automne de sa vie, en se retournant sur soi-même, à se sentir sinon satisfait, du moins fidèle à l'axe principal qu'on s'est choisi, on évite au moins de faire partie de ces fortes personnalités artificiellement construites et qui ne se sont pliées aux règles du groupe que par faiblesse. De ces insatisfaits, leurs frères libérés doivent se méfier. Ces hommes ne peuvent, en effet, pardonner, comme le chien de La Fontaine, d'avoir le cou pelé par le collier dont ils sont attachés et de découvrir, en secret, après avoir marché tant d'années avec le sourire forcé de la bonne conduite, qu'ils n'ont jamais été, en fait, que les prisonniers d'eux-mêmes. Ils enragent de voir les rebelles, tels que moi, réussir à vivre à leur gré et d'avoir oser surtout d'exister librement.
Jean Malaurie, Ultima Thulé, page 366.

15 janv. 2015

Jean Malaurie, Ultima Thulé (1)

Et Hall de conclure par le mot célèbre de Goethe : "Plus je vis, plus je suis assuré que la différence entre les hommes est faite d'énergie et de détermination invicible."
Jean Malaurie, Ultima Thulé, page 127.

6 janv. 2015

Amsterdam, Lever de soleil sur la Bestevâerstraat (1)

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