24 janv. 2014

Le goût des Pays-Bas (23): saveurs des Wadden

Des moutardes, des sirops et des vinaigres d'abord, les Wadden se faisant une spécialité de l'argousier (duindoorn), de l'aster maritime (lamsoren), de la baie de sureau (vlierbes) et de la salicorne (zeekraal). Des arômes marins, on sent les embruns et la mer... Les moutardes ne sont pas très fortes.
Des fromages fermiers au lait de vache ou de chèvre, ensuite. Ils ne changent pas tellement des fromages que l'on trouve dans le reste du pays, on est dans les pâtes dures. On retrouve des accords particuliers, comme par exemple la variante à l'aster.
Et puis des bières, avec la fameuse Texels qui se décline en plusieurs variantes : skuumkoppe, bock, dubbel, etc., et la découverte de la goudkoppe. Une blonde, très houblonnée et pourtant très fraîche. Une très belle saveur. Admirer le petit phare qui orne l'étiquette : un détail charmant qui contribue à l'unicité de la marque et du goût.

21 janv. 2014

Wagner, selon Louis Couperus in De boeken der kleine zielen

Je moet niet denken dat ik onvoorwaardelijk een Wagner-vereerder ben. Zijn muziek is heerlijk; zijn poezie is naïf, kinderlijk en slecht ; zijn filosofie is hoogstgebrekkig en erg vaag Duits... Bewijzen, wil je? Bewijzen... Neem Rheingold... wat een goden, zonder reine kracht of reine pit in hun gemene dievenzielen, hun inbrekerszielen vol vuiligheid. Is dat het begin van de wereld... Neen, een wereldbegin is reiner... En zo kinderlijk  naïf... de wereldschat, het goud, het zuivere goud bewaakt door drie vuile Nixen, met haren vol zeewier, en die dadelijk, als ze een dwerg zien, gaan ginnegappen en gekheid maken... Zijn dat bewaakksters van het reine goud? Maar de muziek alléén, de klankreinheid... o in de klankreinheid is hij een meerster...

'Paul', De boeken der kleine zielen, Louis Couperus, p. 621. P.N. van Kampen & Zoon n.v., Amsterdam

20 janv. 2014

Le goût des Pays-Bas (22): gestoomde makreel vs. gerookte makreel

On se posait récemment la question de savoir quelle était l'exacte différence entre le gestoomde makreel (maquereau à l'étouffée) et le gerookte makreel (maquereau fumé). Car lorsque l'on mange du gestoomde makreel, on se rend compte qu'il a un goût fumé lui aussi. Alors ?

Il s'agit d'une différence dans la technique de fumage : un fumage à froid et un fumage à chaud. Le gestoomde makreel est un maquereau préparé lors d'un fumage à chaud, à une température d'environ 70°C. C'est également le procédé que l'on utilise pour l'anguille (par exemple, d'Enkhuizen). Lors du fumage à chaud, le maquereau est fumé, et par la même occsaion "cuit" par la vapeur produite. Le gerookte makreel, quand à lui, est fumé à froid, à une température ne dépassant pas les 25 à 30°C. La viande n'est donc pas cuite comme pour le gestoomde makreel, mais simplement assèchée. Il s'agit de la même technique que celle utilisée, par exemple, pour le saumon fumé.

Les maquereaux que l'on trouve dans le commerce sont essentiellement du gestoomde makreel. Le maquereau fumé est beaucoup plus difficile à obtenir. Mais si vous souhaitez goûter la différence, commandez du bokking, préparé selon les deux techniques chez n'importe quel poissonnier.

2 janv. 2014

Kaputt - Questionnement sur l'étymologie du mot proposée par Curzio Malaparte

Dans Kaputt (1943), son roman éponyme, Malaparte donne l'étymologie du mot allemand kaputt comme étant un terme hébreu ou plus exactement yiddish : kaparôt, qui signigie à la fois "offrande, offrande expiatoire, sacrifice", éventuellement "victime sacrifiée", mais aussi – intéressant rapprochement – "réconciliation".
Le terme est effectivement en rapport avec l'expression yiddisch shlogn kapores, une cérémonie traditionnelle du Yom Kippur (Jour du Grand Pardon), consistant à offrir en sacrifice un poulet que l'on faisait tourner vivant au-dessus de sa tête en récitant une prière : "Voici mon double, voici mon remplaçant, voici mon expiation. Puisse cette poule ou ce coq aller jusqu’à la mort pendant que je m’engagerai et continuerai une vie heureuse, longue et paisible." Le poulet se chargeait alors des fautes de celui qui prie. Par ailleur, "coq" en hébreu se dit gever, qui peut aussi vouloir dire "homme". D'autres expressions yiddisch en rapport avec le terme kaparôt : zayn di kapore far (aimer quelqu'un au point d'être prêt à se sacrifier pour lui), shlogn kapores mit (rabaisser, abuser d'une personne), darfn af kapores (n'en avoir aucun usage). Le jour du Yom Kippur, après la prière, on abattait les poulets. Autrefois populaire, cette cérémonie n'est aujourd’hui pratiquée que dans les milieux du judaïsme hassidique.
En yiddisch: shlogn kapores, qui a donné en allemand kapores geschlagen, reapparaît en argot moderne sous la forme de kapores machen qui ignifie alors "abbattre, tabasser à mort, mater".1
Ce mot, connu et reconnu aujourd'hui comme étant typiquement allemand, a été emprunté et repris dans différentes autres langues modernes à partir de l'allemand. L'internationalisation du terme est probablement dû à sa charge historique et à sa sonorité particulière. En anglais, on retrouve la variante orthographique kaput, en néerlandais on dit kapot. C'est après la seconde guerre mondiale et la prise de Berlin par l'Armée Rouge que le terme devient fameux avec l'expression rigolarde "Hitler kaputt". En allemand populaire, la signification moderne du terme reste très proche de son origine : "épuisé, cassé, claqué, crevé, vanné, fichu, foutu, etc." (physiquement et psychiquement).
Et pourtant, l'étymologie du mot allemand est loin de faire l'unanimité comme le laisse à penser Malaparte, même si l'origine yiddisch est largement reçue par la communauté linguistique.
En allemand, aucune base verbale n'est connue. Le terme est documenté depuis la Guerre de Trente Ans et apparaît dans les jeux de cartes de l'époque. On utilisait cette expression quand toutes les passes précédentes étaient perdues (on était donc „fichu“ pour la partie).
En terme d'interprétation, c'est probablement du côté du capot français qu'il faut chercher. Le même terme est justement connu dans les jeux de carte aussi (faire capot > kaputt machen – ne laisser aucune levée à faire à son adversaire, être capot – n’avoir fait aucune levée). Le terme français capot viendrait du verbe capoter – un vocable maritime désignant une protection sur la partie avant des bateaux2 et dérivé lui-même de cape + suffixe -ot. Le terme maritime faire capot qui signifie "se retourner, chavirer, capoter" a probablement la même origine (17ème siècle). Aujourd'hui encore, capoter signifie bien "aller mal, se détériorer, être mal en point". Il est possible que capoter ait été un nouvel emprunt à l'allemand après que cette langue a emprunté le terme capot au français et plaqué la signification du substantif sur le verbe.
En latin, caput signifie "tête, "chef". Il est envisagebale que le terme de kaputt n'ait pas été emprunté au français, mais au latin ecclésiastique. Cependant, non pas dans son acceptation traditionnelle ("tête"), mais à partir de l'expression caput esse ("devenir/être inutile, inutilisable"). Là encore, on se demande dans quelle mesure l'expression allemande (juridique) wieder am Kopf nehmen qui signifie "tout recommencer" ne serait pas elle aussi en rapport avec l'expresion latine, dans un glissement de sens de l'expression vers le terme originel ("Kopf/tête").
1 Duden – Herkunftswörterbuch, page 390f, entrée kapores.
2 Si vous vous demandiez pourquoi les voitures ont des capots, vous avez la réponse.

Texel 2013 (De Koog)