27 juil. 2014

Alpinisme dans les Écrins (4/5): Dôme de Neige des Écrins (4015m, voie normale, versant N)

Débriefing la veille avec B. Nous sommes très en forme et décidons de laisser tomber la course d'acclimatisation pour attaquer directement le Dôme des Écrins. Par ailleurs, un temps splendide est au rendez-vous. Il faut en profiter et ne pas tarder. C'est à l'avantage de l'alpiniste, mais aussi à son inconvénient : plus on attend, plus la neige se ramollit, et plus le risque de chute de séracs et d'avalanches s'accroît. On se réserve une petite échapée supplémentaire : si le cœur nous en dit au sommet du Dôme, on enchaînera sur la Barre des Écrins. 150 ans exactement après l'ascension historique d'A. W Moore, Horace Walker et Edward Whymper, guidés par le chamoniard Michel Croz et le suisse Christian Almer.
Une superbe course de neige et glace menant à plus de 4000 mètres. Cotée facile, elle est néanmoins très exposée aux séracs et aux crevasses qui constituent un danger objectif à ne pas négliger. Il est indispensable de pas traîner dans les sections exposées, des accidents se produisent régulièrement. En été, les premières pentes du versant N prennent tôt le soleil (orientation NE) et peuvent être très ramollies en cas de descente tardive. Il faut donc redescendre tôt du sommet pour avoir une neige qui porte encore bien. Trois passages sont réputés un peu plus difficiles en terme d'endurance et de pente :
- au pied du Dôme, dès l'attaque, où il faut évoluer assez longuement sur une paroi relativement pentue (50/60°) sans pouvoir s'arrêter (exposition aux premiers séracs) et parfois en taillant des marches pendant la progression,
- aux 2/3 du Dôme avec plusieurs passages en ponts de neige (deuxième exposition aux séracs),
- et juste avant le sommet où la pente se raidit et où il faut redoubler d'effort au dernier moment. Pour le reste, de superbes transversales dans un cadre grandiose.
Altitude min./max.: 1870m / 4015m
Dénivelés +/-: +2145m (sur deux jours) / +/- 965m (ascension depuis le refuge des Écrins) / -2145m (sur toute la course)
Durée: 2 jours (3 jours avec arrêt au refuge du Glacier Blanc)
Ascension: donnée en 4h/4h30 depuis le refuge des Écrins (faite en 3h30)
Pente et difficulté en neige: 35°/45°
Refuge des Écrins: 3170m
Sommet: 4015m
Cotation globale: F
Cotation d'engagement: II
La cotation d'engagement est une estimation du degré de danger dans lequel se trouverait l'alpiniste si un problème survenait. Elle prend en compte de nombreux critères et reste subjective. Parmi les critères principaux, on peut noter l'éloignement de la civilisation (refuge, vallée, etc.), les possibilités d'échappatoires ou de redescente, le niveau d'équipement de l'itinéraire et l'altitude. Une cotation II correspond à un itinéraire plus long (4h environ), se déroulant un peu loin de la vallée, du refuge ou d'une remontée mécanique. Néanmoins, il est possible de faire demi-tour à tout instant. Les secours peuvent être avertis assez rapidement.
Echelle des risques objectifs: X3
L'échelle des risques objectifs concerne l'alpinisme neige, glace ou mixte, l'alpinisme rocher et la cascade de glace. Les risques pris en compte sont les avalanches naturelles de neige, les chutes de séracs, les chutes naturelles de pierre, de stalactites et la fragilité du support. Les risques liés directement à l'action humaine ne sont pas pris en compte hormis l’effondrement de la structure provenant de la fragilité du support déclenché par le pratiquant lui même. Les avalanches, chutes de pierre et de stalactites déclenchées par le pratiquant ou une autre cordée ne sont pas pris en compte non plus. La partie technique, l'approche et le retour sont pris en compte dans l'échelle des risques objectifs. X3 correspond à des risques objectifs marqués. Exemple : Mont Blanc du Tacul Face N (voie normale), Dôme de Neige des Écrins Versant N (voie normale), etc.
Niveau d'équipement: P4
Il existe quatre niveaux d'équipements (P1, P2, P3, P4) dans le champ. P4 correspond à des itinéraires totalement non équipés nécessitant la pose de toutes les protections y compris lors des relais et de la descente.
Cotation Labande globale: AD PD III P3 3b
La cotation en escalade glaciaire prend en compte différents facteurs, dont la pente, la hauteur de la section la plus raide, la configuration de la glace (rideaux, cigare, goulotte) ou encore la technicité de cette dernière (glace fine ou bien fournie, glace aérée ou compacte, etc.). Grade 3b ou 3+ correspond à une escalade peu inclinée (75°) avec de nombreux ressauts. La glace est bien fournie et compacte. Présente un ressaut plus raide (80°). AD et PD signifie "Assez Difficile" et "Peu Difficile".
Réveil: 2h30 du matin, départ 3h30, à la frontale. Une petite heure d'approche, encordés long. Le temps est si dégagé que nous évoluons dans un clair-obscur fantastique, sous des myriades d'étoiles. Une pure merveille. Pas un bruit, pas une lumière autre que celle du croissant de lune au-dessus de nos têtes.
Cliquer sur les photos pour agrandir.

A mi-chemin, le soleil commence à se lever. D'autres cordées que l'on distingue au scintillement des frontales, évoluent derrière nous.
Lever de soleil, indescriptible beauté. Les photos ne rendent qu'une impression du fugace moment.








En se retournant, le Dôme et la Barre des Écrins apparaissent, éclaboussés de lumière:



En chemin, nous progressons dans un espace vaste, immaculé, parfois au milieu de sculptures minérales géantes. Le son sec et précis du piolet a fait place au crissement et à la molesse de la neige. Les teintes sont irisées.















7h du matin, au sommet :
La vue du Dôme est saisissante, avec une très belle perspective sur l'arête W de la barre des Écrins, et un tour d'horizon qui embrasse la majeure partie des Alpes et Préalpes françaises. Le regard porte jusqu'en Suisse et en Italie. On aperçoit le Cervin et le Mont-Rose. Au loin, le Mont-Blanc, toit de l'Europe... Depuis l'autre versant, on peut même distinguer la montagne de Lure. Nous sommes arrivés suffisamment tôt et le spectacle est si beau que l'on décide de terminer la course ici et de profiter du panorama pendant une heure au sommet.




La barre des Écrins et son imposante arrête.







Au second plan, le Glacier Blanc.

Montagnes aux alentours : le massif des Ecrins.

En premier plan, la Barre Noire. En arrière-plan, la Barre des Écrins.


La Barre Blanche, versant N.





En premier-plan, les rochers du Col des Écrins. Au second plan, la pointe de la Roche Faurio et la Pointe Louise.


En premier-plan : la Roche Faurio (3730m) et la Brèche de Tombe Murée (3619m), encore recouverte de neige. Juste au-dessus, la Pointe Xavier Blanc (3677m)
Redescente par le même chemin. 30 mn après notre passage, une avalache se déclenchera à partir du sérac supérieur... La couleur rosée de la neige ? Des résidus de sable déposés par le Sirocco.
Vue en remontant au refuge des Écrins :


Vers 20h30, au coucher de soleil. Le Dôme s'enflamme.
Au sommet du Dôme, nous avons largement eu le temps d'observer les options (et de s'en réjouir...) qui s'offrent à nous pour le lendemain. Deuxième course de neige ? Course de crête mixte ? Roche Faurio, goulotte, couloir de la Barre Noire ? Pic du Glacier Blanc ?...
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