24 août 2009

MAPping*: Switzerland, five hundred years of peace, & what?

Vers chez les blancs, roman énérvé comme une pile électrique. La pile du vibromasseur d'Henry Miller auquel est rendu hommage dans les passages ouvertement pornographiques. Le roman se situe quelque part entre Jim Harrison (pour la pêche) et Jean d'Ormesson (pour la pêche aux femmes), le tout dans une langue semi-châtiée, entièrement construite sur l'écart : l'imparfait du subjonctif se chausse de santiags et l'oralité fait plier les dialogues.

Ou plutôt : vers chez nous. Un titre distordu, apparemment l'histoire d'une trouvaille : "J'étais en Suisse. Je devais absolument emmener ma fille dans une fête, mais il y avait une incroyable tempête de neige. J'ai quand même pris la voiture, mais en rentrant, j'ai versé dans le fossé. Quand je suis sorti de la bagnole, je me suis trouvé nez à nez avec un poteau indicateur où il y avait écrit : "Vers-chez-les-blancs". Sans doute le nom d'un hameau. C'est le titre, me suis-je dit."

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Comme dit Guyotat, dans Explications - je cite de mémoire : "Switzerland, five hundred years of peace, and what? The coucou-clock". On est content que Philippe Djian ait quitté la Suisse et tourné la page sur sa trilogie réglée comme une horloge. Chez les Blancs, les fesses se dressent comme les Alpes s'affaissent, les sentiments brûlent comme les lacs se glacent et les paysages tordus s'essouflent en chapitres comme les cantons suisses s'égrènent.

"Houellebecq, me demande Djian, tu le connais ? Il est comment ? Tu as écouté son disque ? Je trouve ça bien qu'un écrivain fasse plein de choses. Tu sais, un jour, j'étais invité à Sydney dans un séminaire d'écrivains. Houellebecq devait arriver un jour après moi, et j'étais prêt à repousser mon départ pour le rencontrer. Ce qu'il écrit me fait rire. [...] Hélas, il a annulé son voyage [...] et du coup, je ne l'ai pas vu."

Vers chez les blancs, roman avoué inspiré par la lecture de L'Information de Martin Amis - l'histoire de deux écrivains qui se détestent - est l'histoire de deux écrivains qui s'aiment. Francis, auteur en perte de vitesse et narrateur, ne produit plus rien. Son ami, plus jeune de quinze ans, Patrick Vandhoeren, est au contraire au faîte de sa gloire. Les deux premiers romans de Vandhoeren, où il raconte essentiellement dans un style fluide "la misère sexuelle de son époque", lui valent d'être traduit dans "soixante-deux pays" et méchamment courtisé par les plus grands éditeurs: "Il était l'un des meilleurs écrivains de sa génération, pâmait des amphithéâtres, avait son mot à dire sur les sciences, les mathématiques, la philosophie et j'en passe, il jouait au football, forçait le respect des universitaires et se mettait les petits merdeux dans la poche [...], les plus grands éditeurs se battaient pour lui, le monde était pratiquement à ses pieds..."

Vers chez Houellebecq.

2 commentaires:

Matou a dit…

Ah, finalement je comprends d'où vient le titre. Je croyais qu'il s'agissait de vers, comme des poèmes, qu'écrivirent les Blancs chez eux. Ou bien des vers, qui mangèrent les Blancs (ou les blancs?) après leur enterrement. Merci!

Paraît d'ailleurs (comme tu sais, sans doute) que la pendule à coucou soit inventé en Allemange, où il y a eu plein de guerres. Et les Allemands en sont fiers! (Des pendules, je veux dire, pas des guerres. En effet!) N'empêche qu'en Suisse, après cinq siècles de paix, on a inventé les couteaux suisses, dont se servent les armées autour du monde en se cognant. Et n'oublions pas les canons Oerlikon. So much for peace.

I am a mover a dit…

L'anecdoctique de la trouvaille du titre laisse quand même songeur : 'Koffers van de andere kant van de oceaan zijn geen garantie voor authenticiteit', denk ik. Le titre rapelle de loin Proust qui, lui aussi, voyageait du côté de chez quelqu'un. En Coucoux-Clan, sans doute. Le couteau suisse en poche.