2 nov. 2010

Tolstoï, Résurrection (4)

En se posant ces questions, Nekhlioudov ne pouvait s'empêcher de reconnaître que l'opinion des gens avait une grande influence sur sa détermination. Et, plus il pensait, plus nombreuses se posaient les questions, chacune plus insoluble que la précédente. Pour s'en débarrasser, il s'entendit sur le lit bien frais, afin que, la tête reposée après un bon sommeil, il pût résoudre tout ces problèmes où il se perdait. Mais le sommeil fut long à venir ; par la fenêtre ouverte, avec l'air frais et le clair de lune, lui parvenait le coassement des grenouilles, qu'entrecoupaient de leurs chants et leurs claquements de bec les rossignols lointains, au fond du parc et un autre plus près, sous la fenêtre, dans un buisson de lilas épanouis. Ce chant des rossignols, le coassement des grenouilles lui rappelèrent la musique de la fille du directeur ; ce souvenir éveilla celui de Maslova, ses lèvres lorsqu'elle disait : ''Laissez cela complètement''. Puis l'intendant allemand se mit à descendre vers la mare aux grenouilles. Il fallait le retenir, mais non seulement l'intendant y descendait, mais il se trouva être tout à coup Maslova, qui se mit à crier sur un ton de reproche: ''Je suis une forcate et vous un prince!'' - Non, je ne céderai pas, se dit Nekhlioudov. Il se réveilla et se demanda : Ce que je fais, est-ce bien ou mal? Je ne sais. D'ailleurs, qu'importe, ça m'est égal. Le principal est de dormir.
Et lui-même se mit à descendre là où avaient rampé l'intendant et Maslova, et tout y sombra.

Tolstoï, Résurrection, page 276.

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