30 mai 2014

Claudio Magris, Danube (3)

Tantôt la 'cité impériale' – telle Ulm – incarne l'immobilisme de privilège contre la justice égalitaire, tantôt elle revendique les libertés individuelles contre le nivellement totalitaire – par exemple contre le centralisme nazi. En général, l'idylle allemande, qui limite l'individu à une dimension étroite au sein d'une société divisée en compartiments étanches, tend à faire de ce dernier, comme l'écrit Lukacs, un Bürger, un bourgeois, plutôt qu'un citoyen ; c'est ainsi que se crée ce pathétique et farouche isolement intérieur, 'apolitique' et 'désespérement allemand', dont Thomas Mann a été le grand interprète et, au moins partiellement, le représentant. Cette situation s'incarne dans une figure récurrente de la littérature allemande, le Sonderling, personnage bizarre et solitaire, que Guiseppe Bevilacqua a défini comme 'l'expression d'un profond malaise résulant du divorce entre une nature pariculièrement sensible et une société incapable d'offrir un libre champ d'application à ses dons particuliers'.
Claudio Magris, Danube, pages 93/94.

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