9 août 2014

Claudio Magris, Utopie et désenchantement (20) ["L'ignorance est une vertu" (2)]

[...] l'esprit de libre recherche, qui exige patience, attention et respect pour son objet, conscience de la difficulté qu'il y a à le comprendre et capacité à se soumettre à l'effort nécessaire pour y parvenir. Pour s'abandonner à l'enchantement de Natacha dans Guerre et Paix, il est necessaire pour le moins de lire les mille pages du roman de Tolstoi, sans avoir la prétention de le comprendre et de l'aimer en en lisant une version abrégée en cent pages, un digest comme en offrait jadis une revue célèbre. Ceux qui défendant l'âme, la poésie, le cœur, la créativité, ceux peut-être aujourd'hui qui n'en parlent pas et qui apprennent, avec l'élan et la pudique patience de l'amour, les grammaires de la réalité, avec leurs règles et leurs exceptions, qu'il s'agisse du Décalogue, des équations ou des figures rhétoriques du langage. Le royaume des cieux, est-il écrit, n'appartient pas à ceux qui disent sans cesse : ''Seigneur, Seigneur !''.
Claudio Magris, Utopie et désenchantement, page 370.

Aucun commentaire: