12 févr. 2015

Marseille, Vieille Charité - M.A.A.O.A (1) : Don Dr Marcel Heckenroth

Aujourd'hui, la Vieille Charité abrite plusieurs institutions culturelles et scientifiques : le musée d'archéologie méditerranéenne qui offre un large panorama de l'art des civilisations du pourtour méditerranéen, le cipM (centre international de poésie Marseille), l'école doctorale de l'EHESS, et surtout l'extraordinaire musée d'arts africains, océaniens et amérindiens (M.A.A.O.A).
Le M.A.A.O.A dispose de trois salles herbérgeant des collections exceptionnelles, rassemblées par des hommes passionnés par le monde, d'une incroyable énergie et d'une grande ouverture d'esprit :
- la salle Afrique, consacrée à la donation L. Pierre Guerre comprenant des objets issus des institutions muséales coloniales marseillaises.
- la salle Mexique, dédiée à la collection du cinéaste-documentaliste François Reichenbach sur l'art populaire mexicain, incluant notamment de fabuleux masques.
- la salle Océanie et Amériques, avec la collection Henri Gastaut, regroupée par le M.A.A.O.A dans les années 1990.
Mais en 2008, c'est la salle Océanie et Amériques qui s'enrichit d'une donation toute particulière : un ensemble de parures en plumes provenant de la région du fleuve Oyapock en Guyane, reçu des amérindiens Wayampi entre 1939 et 1942. Un don extraordinaire du docteur Marcel Heckenroth (1912-2008), ancien médecin-chef des troupes coloniales dans la région. La collection a donné un ouvrage : Plumes amérindiennes - Guyane, don Dr Marcel Heckenroth, qui retrace l'histoire de la collecte à l'aide de somptueuses photographies, de cartes dessinées à la main, d'extraits du journal intime du médecin, de notes, d'impressions et d'images d'un autre âge. On y lit : "Un jour, un vieux monsieur m'a appelée en me disant qu'il voulait nous faire un don.", raconte Marianne Sourrieu, directrice du M.A.A.O.A. Lorsque je me suis rendue chez lui et qu'il a ouvert son coffre, ça a été l'émerveillement."


Parures cassiques à huppe noire, toucans de Cuvier, aras rouges, objets faits à partir d'oiseaux fantastiques vivant dans la forêt amazonienne... Quand les parures parviennent au M.A.A.O.A, l'équipe du musée s'attèle à un long travail de reconstitution : un vrai casse-tête, et une certaine stupeur car leur état de conservation est exceptionnel et leur valeur inestimable.
Marcel Heckenroth était chef des troupes coloniales en Guyane entre 1939 et 1942, et administrateur de la circonscription de l'Oyapock où il séjournera pendant trois ans. Passionné par la découverte d'autres peuples, il effectue des tournées sur ce vaste territoire et soigne inlassablement les populations qu'il croise : Amérindiens, chercheurs d'or, expatriés peu fortunés et colons. Il se rend souvent dans les villages Wayana et Wayampi d'Alikoto où il est accueilli avec les honneurs. Trois ans plus tard, il doit quitter la Guyane pour aller rejoindre les troupes alliées engagées dans la seconde guerre mondiale. Outre les parures de plumes, Marcel Heckenroth a également légué au musée de nombreux carnets, cartes, témoignages, photographies qui permettent de comprendre les populations amérindiennes sous un nouveau jour. Il aura fallu 66 ans et bien des voyages pour que Marcel Heckenroth frappe à la porte du Musée d'Arts Africains, Océaniens, Amérindiens de Marseille. En 2007, lorsque le docteur invite l'historienne à venir voir la collection qu'il s'apprête à donner au musée, il ouvre pour la première fois depuis 1942 le coffre contenant ces trésors offerts par le chef Wayampi Eugène Inamou. Par sa valeur, ce présent en dit long sur l'implication et l'humanisme du médecin. Les parures trônent désormais dans la salle des Amériques du M.A.A.O.A., aux côtés des collections tout aussi extraordinaires de Pierre Guerre, Henri Gastaut et François Reichenbach.

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