3 mai 2015

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques (12) : Du rapport entre la liberté et l'espace géographique

C'est dans ces régions où la densité de population dépasse parfois mille au kilomètre carré, que j'ai pleinement mesuré le privilège historique encore dévolu à l'Amérique tropicale (et jusqu'à un certain point l'Amérique tout entière) d'être absolument ou relativement vide d'hommes. La liberté n'est ni une invention juridique ni un trésor philosophique, propriété chérie plus digne que d'autres parce qu'elle seule saurait la produire ou la préserver. Elle resulte d'une relation objective entre l'individu et l'espace qu'il occupe, entre le consommateur et les ressources dont il dispose. Encore n'est-il pas sûr que ceci compense cela, et qu'une société riche mais trop dense ne s'empoisonne pas de cette densité, comme ces parasites de la farine qui réussissent à s'exterminer à distance par leurs toxines, avant même que la matière nutritive ne fasse défaut.
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques. Chapitre : La Terre et Les Hommes, page 169.

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