11 juil. 2023

De l'avalanche

On pourrait bâtir une théorie psycho-politique de l'avalanche. Le bonheur d'une société humaine repose sur la fixité. Les peuples, comme les individus, aiment ce qui demeure. Ni la forme des villes, ni le cycle des années, ni les habitudes du jour ne sauraient varier sans cesse. La pêche à la ligne le dimanche est peut-être la plus haute conquête d'une civilisation. "J'établis mes bases dans la montagne sainte.", disait la Vierge Marie de la chapelle Notre-Dame-de-la-Gorge, aux Contamines.
Le nouvel ordre productif a institué la permanence de l'impermanent. Le requête du changement a fin par affoler les hommes. En quelques décennies, l'organisation globale a érigé l'innovation en dogme. Toujours plus, toujours différent, toujours ailleurs. De là, nécessité de vivre vite. Puisque tout se trasnforme, on sera toujours en retard. Alors, sous la menace de l'obsolescence, le résultat ne sera jamais satisfaisant : frustation, ressentimenet, violence. La requête de la mise à jour numérique transposée dans le champ anthropologique fait de l'Histoire une valse musette avec subsitution de cavalier à chaque mesure.
S'adapter est le nom que l'impuissance donne à l'action. Sens de l'Histoire est le nom que des dirigeants incapables donnent au mouvement qu'ils ne savent empêcher. Ainsi s'épargnent-ils la charge de veiller tendrement sur les héritages de l'Histoire.
Hugo dans Les Rayons et les Ombres : "que peu de temps suffit à changer toute chose." Les empereurs Habsbourg disaient en léguant le pouvoir à leur descendance : "Veille à ce que rien ne change." C'est une parole de montagnard, répugnant à l'incertain, craignant les avalanches qui sont à la géographie ce que les révolutions sont à l'Histoire.
Sylvain Tesson, Blanc, pages 203-204.

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