21 janv. 2013

A la recherche du temps perdu (2)

Comme le risque de déplaire vient surtout de la difficulté d'apprécier ce qui passe ou non inaperçu, on devrait au moins, par prudence, ne jamais parler de soi, parce que c'est un sujet ou on peut être sûr que la vue des autres et la nôtre propre, ne concordent jamais. Si on a autant de surprises qu'à visiter une maison d'apparence quelconque dont l'intérieur est rempli de trésors, de pince-monseigneurs et de cadavres quand on découvre la vraie vie des autres, l'univers réel sous l'univers apparent, on n'en éprouve pas moins si, au lieu de l'image qu'on s'était faite de soi-même grâce à ce que chacun nous en disait, on apprend par le langage qu'ils tiennent à notre egard en notre absence, quelle image entièrement différente ils portaient en eux de nous et de notre vie.
Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, page 310.

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