7 juin 2014

Détails de Paris (1): Les Catacombes

Les catacombes de Paris ne sont en fait pas des catacombes à proprement parler, mais un ossuaire et la plus grande nécropole du monde. Elles se situent dans d'anciennes carrières souterraines du 14ème arrondissement de la ville. D'environ 1,7 km de long et situées à 20 mètres sous terre, elles sont officiellement visitables à partir de la place Denfert-Rochereau. La partie ouverte au public ne représente qu'une infime fraction des vastes carrières souterraines de Paris (300 km) qui s'étendent sous la capitale.
À la fin du 18ème siècle, les cimetières de Paris sont tellement emcombrés qu'il faut les vider pour des raisons de salubrité publique. On décide d'utiliser les carrières dont on extrayait de la pierre à bâtir, et de déplacer entre 1785 et 1804 les dépouilles de six millions de Parisiens. Ces galeries souterraines prennent alors le nom de Catacombes, par analogie avec les nécropoles souterraines de la Rome antique, bien qu'elles n'aient quasiment jamais servi de sépulture initiale. Dès les derniers mois de 1785, les transferts d'ossements à partir du cimetière des Innocents commencent. Il paraît qu'un rite religieux était scrupuleusement respecté : des chars funéraires couverts de catafalques noirs se rendaient au crépuscule au puits de service des carrières de la Tombe-Issoire afin d'y déverser leur chargement. Ils étaient précédés de chœurs de religieux portant la lanterne des morts, accompagnés de porteurs de torches et suivis de prêtres chantant l'office des morts. À la fin du parcours, les os étaient précipités dans un puits d'extraction de pierres, toujours visible à hauteur de l'actuel 21, avenue René-Coty.
En 1786, les Catacombes sont bénies et consacrées par les abbés Motret, Maillet et Asseline, ministres de la Religion. Les transferts reprennent de 1842 à 1860, années durant lesquelles pas moins de 800 voitures acheminent les ossements se dirigeant vers l'ossuaire provisoire de Vaugirard, puis vers les Catacombes. Ce sont ainsi 17 cimetières, 145 monastères, couvents et communautés religieuses et 160 lieux de cultes entourés de leur propre cimetière qui alimentent les carrières souterraines. Enfin, plusieurs années après, les grands travaux d'Haussmann fournissent des ossements oubliés, à leur tour transportés vers les Catacombes. Parmi eux, on peut notamment citer tous les grands noms de la Révolution française : Danton, Camille Desmoulins, Lavoisier et Robespierre, Maratt, mille gardes suisses massacrés aux Tuileries en 1792 ainsi que les 1343 personnes guillotinées au Carrousel ou place de la Concorde entre 1792 et 1794, dont Charlotte Corday. Mais aussi : l'Homme au masque de fer, Jean-Baptiste Lully, Rabelais, Charles Perrault, Racine, Blaise Pascal, Saint-Sulpice, Montesquieu. Aucune dépouille n'a pu être identifiée à ce jour.
La fascination romantique pour la mort typique du 19ème siècle commence. Le 16 mai 1814, François Ier, Empereur d'Autriche, résidant en vainqueur à Paris, visite les Catacombes. En 1860, Napoléon III y descend avec son fils. En 1860, Nadar, pionnier de la photographie aérienne, est également le premier à réaliser une série consacrée au Paris souterrain, en particulier aux Catacombes et aux égouts. En 1867, c'est au tour d'Oscar II de Suède, et du chancelier Allemand Bismarck. En mai 1871, les communards en fuite se réfugient dans plusieurs carrières de Paris, dont les Catacombes... où ils y seront massacrés par les troupes versaillaises.

On descend par 130 marches qui donnent accès, 20 mètres plus bas, à quelques salles exposant l'histoire des Catacombes ou expliquant d'autres phénomènes particuliers au site ("La mer à Paris", par exemple). On débouche alors dans la galerie de Port-Mahon qui comporte d'impressionnantes et inattendues sculptures réalisées dans la pierre par un dénommé Décure, dit Beauséjour, vétéran des armées de Louis XV et carrier de 1777 à 1782. Il aurait été un soldat enrôlé en 1756 dans l'armée de Richelieu lors de l'opération de reconquête de Minorque où il aurait été fait prisonnier par les Anglais. Réformé, il entre à l'Inspection des carrières afin de compléter sa modeste solde. Travaillant la journée aux travaux de consolidation sous la direction de Guillaumot, il sculpte après son travail et représente une maquette ainsi que diverses vues du fort de Port-Mahon, la principale ville de l'île de Minorque, aux Baléares, où il était captif. Voulant parfaire son œuvre, il engage la création d'un escalier d'accès depuis le niveau supérieur de la carrière, provoquant ainsi un fontis qui le tuera sur le coup.

Bain de pieds des carriers
Le bain de pieds des carriers est un puits contenant une nappe d'eau limpide, autrefois utilisé par les ouvriers travaillant aux consolidations de l'ossuaire. Ce puits constitue le premier forage géologique réalisé sous Paris.
Avant de pénétrer dans l'ossuaire, un avertissement inscrit en lettres noires sur le linteau accueille le visiteur :
De chaque côté du parcours de la visite, les os forment de longs alignements de 25 mètres de têtes, de fémurs ou de tibias. On voit également des frises constituées de crânes en saillie, des croix, des couronnes, des arcs de cercle et divers autres ornements. Derrière les alignements de tibias et de fémurs, les squelettes sont entremêlés en désordre, sans arrangement. Des plaques gravées indiquent la provenance et l'année du transfert devant les ossements. D'autres portent des citations grandiloquentes, en français ou en latin, rappelant la fragilité et l'éphémérité de la vie face à la mort, éternelle et assurée.











Plus loin, une salle plus vaste est dite la crypte du Sacellum. Il s'agit d'une sorte de chapelle, où fut longtemps célébré l'office des morts. Elle est dotée d'un autel, d'une grande croix blanche et de petits tabourets de pierre.
Dans la crypte de la Passion, on trouve le tonneau. Il s'agit, en fait, d'un pilier de soutènement masqué par un habillage de crânes et de tibias.

C'est ici que le 2 avril 1897, un concert clandestin est organisé dans les Catacombes : une centaine de convives du monde parisien reçoivent un énigmatique billet d'invitation, les conviant à se présenter à onze heures du soir devant l'entrée de l'ossuaire, rue Dareau. Pour plus de discrétion, ils sont priés de ne pas faire arrêter leur voiture à cette adresse. Le billet commence ainsi :
"Monsieur..... est prié d'assister au concert des catacombes,
organisé par MM. Pierres et Jouaneau, à onze heures."
À minuit, un orchestre composé de quarante-cinq musiciens recrutés parmi les artistes de l'Opéra, exécute plusieurs morceaux de circonstance, dont la Marche funèbre de Chopin, la Danse Macabre de Saint-Saëns, la Chorale et marche funèbre des Perses, Aux catacombes, un poème de M. Marlit, récité par son auteur, et enfin la Marche funèbre de la Symphonie Héroïque de Beethoven. Le concert s'achève à deux heures du matin. Des ossements sont dès lors empilés entre les piliers afin que ne se reproduise pas ce type de manifestations.
C'est par une belle galerie voutée...
... et un escalier en colimaçon de 83 marches qu'on regagner la surface, au 36, rue Rémy-Dumoncel.

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