6 mai 2015

Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques (17) : Du rapport entre consentement, servitude et pouvoir

Le consentement est à la fois l'origine et la limite du pouvoir. Des relations en apparence unilatérales, telles qu'elles s'expriment dans la gérontocratie, l'autocratie ou toute autre forme de gouvernement, peuvent se constituer dans des groupes de structure déjà complexe. Elles sont inconcevables dans des formes simples d'organisation sociale, telle qu'on a essayé de décrire ici. Dans ce cas, au contraire, les relations politiques se ramènent à une sorte d'arbritrage entre, d'une part, les talents et l'autorité du chef, de l'autre, le volume, la cohérence et la bonne volonté du groupe ; tous ces facteurs exercent les uns sur les autres une influence reciproque. [...]
Une seconde remarque découle des considérations précédentes : le consentement est le fondement psychologique du pouvoir, mais dans la vie quotidienne il s'exprime par un jeu de prestations et de contre-prestations qui se déroulent entre le chef et ses compagnons, et qui fait de la notion de reciprocité un autre attribut fondamental du pouvoir. Le chef a le pouvoir, mais il doit être généreux. Il a des devoirs, mais il peut obtenir plusieurs femmes. Entre lui et le groupe s'établit un équilibre perpétuellement renouvelé de prestations et de privilèges, de servitudes et d'obligations (cf. le régime national d'assurance comme retour à la nature fondamentale de l'organisation sociale et politique).
Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques. Chapitre : Nambikwara, pages 374/375.

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