[...] parce qu'avait crû sourdement un déphasage progressif de deux existences - déphasage des rythmes vitaux, des occupations quotidiennes, qui chacune moule à sa façon, des atavismes qui reviennent... - préparant ainsi le terrain pour cette nouvelle opportunité, la rencontre d'une autre personne, qui s'est un jour présentée. Ou, ce qui serait pire encore, pour l'enfoncement solitaire de chacun d'eux dans son veillissement. Nuitamment, la brèche esquissée est devenue fissure - fente - faille - fossé ; cet infime devenant infini, c'est tout, entre eux, qui s'est trouvé contaminé. L'écart s'est creusé, comme on dit, c'est-à-dire que de lui-même il s'est déployé jusqu'à aboutir à cette tranchée d'indifférence dont soudain on s'étonne et qui fait le divorce : en quoi serait-ce encore, là, une affaire de sujets ? [...] Car n'est-ce pas plus simplement - effectivement - que le situationnel l'a progressivement emporté sur le personnel, au point que sur cette relation, telle qu'est devenue entre eux, désormais ils n'ont plus guère prise ?
François Jullien, Les transformations silencieuses, page 21.
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