Le journal télévisé nous fournit, non pas tant en supports de fantasmes, ce qui serait leur reconnaître un caractère légitime de fiction, que de ce que l'on appellera plutôt des "prétextes" d'actualité. Théâtre d'actualité (comme on dit "de variétés"), puisque tout y est fait d'abord pour surprendre-passionner-scandaliser-recréer-rasséréner, du moins selon ce cycle le plus ordinaire. Car on sait que, dès lors qu'un événement n'est plus assez saillant, qu'il est usé du point de vue dramatique (en ressources pathétiques) et qu'on juge qu'il ne réussit plus à nouer, à partir de lui, suffisamment d'intrigue et d'intérêt, le voilà retiré de l'écran et rendu au silence. Alors que c'est précisemment ce que tel fait survenu entraîne alors de conséquences qui nous instruirait : comment, s'étirent, au fil des jours, les effets suscités ; comment de l'ordinaire, se rétablissant peu à peu, le diffuse et l'absorbe ; bref, dans quelle transformation silencieuse il s'est enfoncé.
François Jullien, Les Transformations silencieuses, Chantiers I, page 131.
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