Mais comment ne pas voir que toute position (détermination) de "force" est déjà en elle-même travaillée par de la faiblesse et se trouve minée par elle ? Ce qui fait que chacune de ces déterminations contraires, en se développant, se renverse enfin dans l'autre ; et rend donc si continues, [...]. Car la force s'expose, elle s'impose et, de ce fait même, ai-je déjà dit, se fragilise ; et même, plus elle s'impose, fait preuve de sa force, plus elle se fragilise. [...] Et bien sûr l'inverse est également vrai : telle est la force du faible, de celui qu'on n'ose même pas toucher, et qui en profite, tant il laisse paraître incontinent sa faiblesse : qui renverse donc sa faiblesse étalée en force d'autant plus opérante qu'elle n'a pas à s'assumer comme telle, à s'avouer, mais reste à couvert et rentrée [...] telle est l'intouchabilité dont peuvent se prévaloir également [...] des catégories dite "subalternes" et des groupes sociaux autrefois dédaignés : mieux que quiconque, ils peuvent [...] invoquer des l'abord d'être en sous-effectifs, surmenés, exploités, peu respectés, etc., et par principe si mal lotis qu'on a toujours peur de les déranger et que tout geste de leur part est un service... Ils se font un rempart, qui les rend inexpugnables, de leur "faiblesse" affichée [...].
François Jullien, Les transformations silencieuses, page 96.
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